L’ÉLECTROCARDIOGRAMME CHEZ LE CHEVAL
L’électrocardiogramme, ou ECG, est un examen permettant d’analyser le rythme cardiaque. Il est utilisé en routine pour un examen pré-anesthésique, monitorer le cheval durant l’anesthésie ou lors de visite d’achat. Il permet aussi d’investiguer des problèmes d’intolérance à l’effort, de contre-performance ou de syncope.
I. Qu’est ce qu’un ECG ?
L’ECG est un enregistrement de l’activité électrique du cœur.
Le cœur est un muscle faisant office de pompe qui propulse le sang dans les vaisseaux en alternant des phases de contraction, la systole, et des phases de relâchement, la diastole. Ces cycles de contractions sont automatiques et induit par un signal électrique. Les cellules musculaires cardiaques vont se contracter lors d’une dépolarisation, et se relâcher lors d’une repolarisation (passage d’ions au travers les membranes cellulaires et servant d’influx électrique).
L’activité électrique cardiaque est permise par un tissu particulier présent dans le cœur : le tissu nodal. Il est composé de différents éléments :
→ Le nœud sinusal atrial : C’est le centre rythmogène du cœur, encore appelé « pacemaker » cardiaque. Ses cellules se dépolarisent spontanément selon un rythme déterminé par différents mécanismes, à la fois métaboliques et nerveux.
→ Le nœud atrio-ventriculaire : Il transmet le signal des oreillettes aux ventricules. Il permet, par sa faible vitesse de conduction, le décalage entre la contraction des oreillettes et celle des ventricules. Lors d’anomalie au niveau du nœud sinusal, le nœud atrio-ventriculaire est également capable d’initier une dépolarisation spontanée.
→ Le réseau de Purkinje et le faisceau de His : Ils permettent la conduction du signal électrique dans tout le ventricule.
L’ECG permet l’enregistrement de ces signaux électriques en fonction du temps. Il enregistre les différences de potentiels entre des électrodes placées en différents points à la surface du corps.
Il reflète ainsi les projections du champ électrique cardiaque à un moment donné.
II. Comment réalise-t-on un ECG ?
Il faut un environnement calme, une bonne contention pour éviter les artefacts dus aux mouvements du cheval sans toutefois le tranquilliser, car l’ECG serait modifié. On utilise classiquement une dérivation base/apex : électrodes rouge et jaune de chaque coté de l’encolure, verte à la sangle.
Le système AliveECG VET permet d’enregistrer un ECG par contact entre la coque de téléphone et le cheval.
III. Analyse de l’ECG
Avant d’interpréter l’ECG, il faut qu’il soit de qualité suffisante : il faut au moins 10 complexes corrects sans artefact pour juger un ECG de bonne qualité.
On organise l’analyse de l’ECG autour de 5 questions :
→ La fréquence cardiaque est-elle normale ?
→ Le rythme cardiaque est-il régulier ? On vérifie la régularité des intervalles RR, PP, et PR.
→ Le rythme est-il sinusal ? On vérifie qu’il y a une onde P pour chaque QRS et un complexe QRS pour chaque onde P
→ Y a-t-il des anomalies morphologiques ? Lors d’extrasystoles ventriculaires, il peut y avoir une variation de la configuration des complexes QRS, qui sont élargis.
→ Quels sont la durée et l’amplitude des complexes QRS ? Contrairement aux petits animaux, la durée et l’amplitude des complexes QRS est peu informative chez le cheval à cause de l’extension plus importante des fibres de Purkinje.
IV. Principaux troubles du rythme :
Les troubles du rythme peuvent être physiologiques ou pathologiques. Une arythmie aura une importance clinique si elle détériore la fonction mécanique du cœur et diminue le débit cardiaque.
1) Arythmies physiologiques :
→ Bloc sinusal :
Suite à une variation du tonus vagal, le nœud sinusal atrial ne génère pas d’impulsion électrique ; le cœur ne réalise pas de cycle cardiaque et il y a donc absence de signaux électriques. On peut entendre des pauses complètes intermittentes, le rythme étant souvent régulièrement irrégulier. L’intervalle RR au niveau du bloc est doublé. Cette arythmie disparaît généralement à l’effort. Il peut devenir pathologique s’il s’y prolonge et est alors associé à une atteinte du nœud sinusal.
→ Bloc atrio-ventriculaire de second degrés :
C’est l’arythmie la plus fréquemment rencontrée à l’auscultation. L’oreillette se contracte mais pas le ventricule car la conduction est bloquée au niveau du nœud atrio-ventriculaire à cause d’un tonus vagal élevé au repos. A l’ECG, l’onde P n’est pas suivie d’un complexe QRS, et l’intervalle
RR est le double d’intervalle normal. Il n’y a pas de conséquence clinique car le bloc disparaît à l’exercice.
2) Arythmies pathologiques :
→ Bloc atrio-ventriculaire avancé :
Il s’agit de blocs atrio-ventriculaires très répétés. Ils peuvent être notamment secondaires à des troubles électrolytiques, une maladie cardiaque ou une intoxication à la digitale. La fréquence cardiaque est très basse (8 à 24bpm) et les chevaux présentent une intolérance à l’exercice sévère voire des syncopes. Les blocs sont maintenus à l’exercice ou disparaissent mais réapparaissent très vite au cours de la récupération (dès 70 ou 80 bpm).
→ Bloc atrio-ventriculaire de troisième degrés :
Il n’y a plus aucune communication entre l’oreillette et le ventricule. On voit des ondes P, des complexes QRS, mais il n’y a pas de coordination entre les 2, l’intervalle PR est très variable. C’est très rare mais les conséquences cliniques sont sévères.
→ Fibrillation atriale
On n’identifie pas d’ondes P, on a une onde de base F. Les complexes QRS sont normaux mais les intervalles RR sont irréguliers. A l’auscultation, l’intensité des bruits est variable et le rythme est irrégulièrement irrégulier. Il s’agit de l’arythmie pathologique la plus fréquente, le plus souvent idiopathique mais elle peut être secondaire à une maladie cardiaque. Cette arythmie est favorisée par une oreillette de taille importante. Elle affecte typiquement les gros chevaux (trait, dressage, CSO) avec un gros cœur. Lors de fibrillation atriale chez un poney ou un petit cheval, il faut rechercher un problème cardiaque comme une insuffisance mitrale avec dilatation atriale, et le pronostic est beaucoup plus sombre.
→ Extrasystoles supra-ventriculaires :
Il s’agit de battements cardiaques prématurés. On peut observer sur l’ECG une onde P anticipée, qui peut avoir une morphologie différente, suivie ou non d’un ensemble QRST normal. S’ils sont isolés (Un ou deux par heure au repos), ils sont physiologiques. Ils ne sont d’ailleurs pas rares à la récupération après exercice. S’ils sont trop fréquents ou associés à un autre signe (contre-performance, signes cardiaques), ils sont pathologiques.
→ Extrasystoles ventriculaires :
On peut observer sur l’ECG un complexe QRST anticipé, sans onde P. La morphologie du complexe QRS est anormale. A l’auscultation, on détecte la présence de battements prématurés. L’extrasystole ventriculaire n’est pas significative si elle est isolée. Sinon (plus d’une par heure), elles sont anormales, associées à une hypoperfusion du myocarde, une cardiomyopathie, ou une myocardite. Elles peuvent provoquer des contre-performances.
S’il y a une succession d’extrasystoles ventriculaires (plus de quatre), on parle alors de tachycardie ventriculaire. Cette arythmie est très dangereuse, avec un risque de syncope et de mort subite par fibrillation ventriculaire.
Conclusion
Les arythmies cardiaques sont fréquemment rencontrées et constituent les principales causes d’intolérance à l’effort d’origine cardio-vasculaire chez le cheval. Certaines arythmies peuvent d’emblée être considérées comme physiologiques, alors que d’autres, comme par exemple la fibrillation atriale, doivent d’office être considérées comme pathologiques. De façon générale, l’effet de l’exercice sur les arythmies constitue un moyen de distinction fiable entre les arythmies physiologiques, qui disparaissent à l’exercice, et les arythmies pathologiques, qui persistent, augmentent ou apparaissent avec l’exercice. Lors d’une arythmie pathologique, il faut alors rechercher une anomalie cardiaque par échocardiographie, puis envisager les options thérapeutiques possibles.
Bibliographie : Colin C (2005). L’électrocardiogramme du cheval, intérêt et applications cliniques. École nationale vétérinaire de Lyon.De Lagarde M (2007). Prévalence des arythmies cardiaques liées à l’effort chez le trotteur. École nationale vétérinaire de Maisons-Alfort.
Perez M (2011). Étude du traitement de la fibrillation atriale chez le cheval par cardioversion électrique transveineuse. École nationale vétérinaire de Lyon. Leave a reply